Lien et Autonomie

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Définition et discussion par Miguel Benasayag.

Voir http://1libertaire.free.fr/MiguelBenasayag23.html


"La question du lien : " Le seul intérieur que chacun de nous connaisse, c'est le sien : l'intérieur de l'autre nous est inaccessible. Par exemple, si l'on se promène avec un ami, s'il a trop chaud ou trop froid, on peut le ressentir si l'on est en empathie. Si l'empathie est imaginaire, on nie l'autre et on l'écrase. Il faut tenter d'être dans un lien réel et non pas imaginaire". Miguel Benasayag nous explique que les liens avec l'autre ou avec l'environnement relèvent d'une construction, d'un travail : par exemple, éprouver qu'un arbre étouffe à Paris ou que son peuple est opprimé, c'est un lien qui relève d'un travail. Il propose de corriger sa perception du lien pour obtenir une perception commune.

Miguel pose la question de la perception du lien dans notre société. Il dit que soit elle se méfie du lien, soit elle dit qu'elle veut construire du lien. Or, LE LIEN EST DÉJÀ LA : il n'est pas à construire, il est à dévoiler. Les politiques et les sociologues disent : " Comment faire pour que ces gens isolés soient réunis ? " Miguel Benasayag pense qu'on ne peut pas réunir les gens si on part du principe qu'ils sont séparés. On peut juste tenter de dévoiler en quoi ils sont liés.

Le fait de nous parler du lien dans une société qui tend vers l'individualisme, Miguel nous raconte sa réflexion à propos de l'autonomie.

En Occident, on considère que les gens doivent être autonome. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? " Je travaille actuellement dans un hôpital où je vois régulièrement une femme immigrée qui est totalement perdue. Elle vient se plaindre car elle à besoin d'aide. En réunion, les médecins et les psychologues disent qu'il faut l'aider à aller vers l'autonomie. Mais lorsque je vois un homme riche qui a un chauffeur, qui n'écrit pas car il a une secrétaire, une autre personne pour porter ses bagages, etc., on ne dit pas qu'il faut l'aider à être autonome ! L'autonomie est une horreur car c'est nier que l'être humain est lié. Si l'on compare la société à un poulailler, celui qui est en haut a moins besoin d'être lié : en général, il chie sur les autres en dessous ! "

Pour nous expliquer que nous sommes tous liés, Miguel Benasayag utilise cette image :

Chacun de nous est un petit pli construit à partir d'un socle commun. Comme plusieurs petits plis différent sur un drap. On croit qu'on est déliés, mais on fait partie du même tissu. Croire qu'on est séparés, déliés, et chercher alors comment se re-lier est une question de fou ! Il faut juste s'éveiller au lien qui existe. Héraclite dit : " Les endormis se promènent dans le monde en croyant qu'ils sont seuls, les éveillés se rendent compte qu'ils sont liés. "

" Mon corps est en lien avec une infinité de choses, je peux les percevoir, mais je ne m'aperçois que d'une petite partie. Je perçois la souffrance de ma fille mais pas celle de tout un peuple en train de mourir. Il y a un filtre qui laisse entrer des choses en moi et pas d'autres. "

Penser, c'est juste penser ce qui se donne à penser. Et c'est l'époque où l'on vit qui nous donne à penser. Parfois plusieurs personnes, à des endroits différents du monde, ont la même idée en même temps. C'est normal : contrairement à ce que l'on croit, personne ne pense tout seul, donc les idées n'appartiennent à personne. Il n'y a pas de créateur.

Miguel Benasayag nous explique qu'il ne faut pas tout ramener à soi, qu'il faut parfois s'oublier pour aller vers l'autre. Celui qui se plaint d'être seul ne s'oublie pas, au contraire. Mais les hommes et les femmes, en s'oubliant, peuvent faire l'expérience de l'amour, de la création, de la pensée, de la peinture, de la science, de la poésie. Car on arrive à éprouver des choses d'une telle intensité que lorsque l'on s'oublie. On n'est jamais plus authentique avec soi-même que lorsqu'on s'oublie et qu'on peut alors éprouver la réalité du lien.

Benasayag s'interroge : que peut-on faire pour l'autre ? " Mais l'autre, n'est-ce pas moi ?"